Lorsque la mérule s’attaque à une maison, c’est souvent une catastrophe. Que faire lorsqu’elle apparaît ? Jean-Clair Le Floch, gérant de la société Rolland des Bois, nous fait part de son expertise.
La mérule est un champignon qui s’attaque aux boiseries dans les bâtiments présentant un excès d’humidité. On le trouve dans une cinquantaine de départements, surtout dans le Grand Ouest et le Nord de la France. Il y en a également beaucoup à Paris. La présence de mérules est complexe à identifier, car elle ne fait pas partie du diagnostic immobilier obligatoire, même dans les zones délimitées par arrêté préfectoral. Elle est pourtant aussi dangereuse que le termite, voire plus. On la surnomme « la lèpre des maisons ».
La mérule est arrivée par les ports, notamment celui de Brest. Chaque champignon envoie dans l’air des milliards de spores et se développe de façon exponentielle dans le logement, ce qui provoque des dégâts considérables.
Pour que la mérule apparaisse, il faut quatre facteurs :
– de la pénombre au début
– des défauts d’étanchéité, avec un taux d’humidité supérieur à 20 %
– la présence de bois
– une température située entre 25° et 30°
La mérule se nourrit de la cellulose et de la lignine du bois. Au début, la plupart du temps, on ne détecte pas les premiers signes car elle est cachée par les plinthes, les faux-plafonds ou les planchers. Puis la mérule fructifie et devient visible. En général, c’est déjà trop tard. Le bois est attaqué et complètement déstructuré par la mérule. La structure même du logement peut être attaquée.
Il en existe plusieurs sortes. La plus connue est la « mérule pleureuse », qui prend la forme de filaments humides, un peu comme des larmes, parfois de couleur brune. Elle ressemble plus à un alien qu’à un champignon, avec l’apparence de plaques duveteuses et un aspect cotonneux. Elle est capable de ramper sur des dizaines de mètres pour aller chercher l’eau. Elle peut même traverser des murs en pierre de 80 centimètres d’épaisseur, et aussi traverser des routes. Des poutres énormes peuvent être transformées en farine à l’intérieur, ce qui fragilise grandement le logement. Souvent, on compare la mérule à un « cancer du bâtiment », car elle progresse de plusieurs cm par jour.
En cas de doute, il est très important de faire appel à une entreprise spécialisée (certifiée Qualibat ou CTBA) pour faire un diagnostic et évaluer l’apparition de la mérule. Si la présence de mérules est avérée, il convient ensuite de contacter un expert afin d’examiner les lieux en détail et de déterminer la cause de l’humidité. L’apport d’eau est souvent lié à une fuite : ardoises déplacées, problème de gouttière, dégât des eaux de plomberie… Si la cause est identifiée rapidement, on oriente le client vers l’homme de l’art : plombier ou couvreur, en général. Sinon, on impose au client de faire appel à un expert qui viendra inspecter la maison pour trouver la cause avant de traiter. En effet, il est inutile de procéder à un traitement si le problème d’humidité dans le bâtiment n’a pas été résolu.
Les traitements sont complexes. Si l’infestation n’est pas trop importante, une solution consiste à injecter sous pression des produits fongicides sur le bois et toute la maçonnerie impactée, puis à effectuer une double pulvérisation. Si l’infestation est plus grave, alors les habitants sont obligés de déménager. En effet, il faudra enlever tous les doublages en plâtre, les isolants, les parquets et les ossatures bois afin d’avoir accès aux murs et aux sols structurels.
Ensuite, il existe deux types de traitements :
– Le premier est un traitement chimique : on brûle les maçonneries au chalumeau puis on injecte un produit fongicide au cœur des murs via une multitude de petits trous.
– Le second traitement – plus récent et réalisé par seulement deux sociétés en France – se fait à l’air chaud. On rend la maison hermétique avec des bâches extérieures (ou intérieures si l’on veut isoler seulement une pièce), puis on fait monter la maison en température à 50° pendant 16 heures. C’est moins agressif pour la maison que le traitement chimique, très efficace, on n’a pas besoin de tout casser et le coût est moins important. Et si des pièces structurelles sont touchées, il faudra en plus les changer.
Si l’infestation est liée à un dégât des eaux, elle est effectivement prise en charge. En revanche, si elle provient d’un mauvais mode constructif, par exemple un film plastique posé par un particulier sous son sol stratifié et ayant occasionné de la condensation, les assurances ne marchent pas. Les expertises et les contre-expertises peuvent être très longues et parfois durer plus d’un an.